17/02/2021 : TokyoSession #8, Camille Froidevaux Metterie / Pauline Curnier Jardin
Camille Froidevaux-Metterie en conversation avec Daria de Beauvais à 18h sur Instagram (FR)
À partir du travail de l’artiste Pauline Curnier Jardin (dont les Peaux de dames sont présentées dans l’exposition Anticorps) et plus particulièrement de sa vidéo Qu’un sang impur diffusée sur cette page du 17 au 24 février 2021, à l'occasion de cette huitième TokyoSession, la philosophe Camille Froidevaux-Metterie s’entretient avec Daria de Beauvais, co-commissaire de l’exposition.
La discussion commence avec l’idée d’« anti-corps », corps non-légitimes parce que fripés, ternes, malmenés et consommés. Leurs stigmates racontent la domination que subissent les femmes dans la société, entre violence, invisibilisation, âgisme et objectification. Pour les femmes qui n’ont longtemps été que des corps, il s’agit d’éprouver une condition paradoxale, écartelée entre aliénation et libération.
Camille Froidevaux-Metterie est philosophe féministe, professeure de science politique et chargée de mission égalité-diversité à l'Université de Reims Champagne-Ardenne. Elle travaille à saisir les mutations consécutives au tournant de l’émancipation féministe dans une perspective qui place le corps au centre de la réflexion. Elle est l’autrice de La révolution du féminin (Gallimard, 2015) Le corps des femmes. La bataille de l'intime (Philosophie magazine éditeur, 2018) et Seins. En quête d’une libération (Anamosa, 2020). Elle travaille à un nouvel ouvrage, Pour un féminisme incarné, à paraître au Seuil.
Cette conversation fait écho au mot-clé « peaux » de l’exposition Anticorps qui se définit comme « épidermique », et fait sienne la question posée par la philosophe et biologiste Donna Haraway dans son Manifeste cyborg : « Pourquoi nos corps devraient-ils s’arrêter à la frontière de nos peaux ? »
L’oeuvre vidéo Qu’un sang impur, diffusée à la suite de l’interview ci-dessus du 17 au 24 février, a été imaginée comme une libre adaptation d’Un chant d’amour (Jean Genet, 1950) – histoire d’amour homoérotique entre détenus dans une prison, sous la surveillance avide d’un gardien sadique – tout en trouvant son titre dans un extrait de La Marseillaise. Mais dans cette vidéo de Pauline Curnier Jardin, les jeunes et lisses corps masculins sont remplacés par des corps féminins ridés et ménopausés, n’étant plus reconnus comme objets de désir ni de procréation, les plaçant de fait avec « toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf » d’après les mots de Virginie Despentes dans King Kong Théorie. Mais ces corps féminins reprennent le pouvoir, notamment érotique, s’extrayant, par le fait même d’être emprisonnés, du carcan patriarcal qui les étouffe. Le film se termine en un grand cri, dans une forme de transe collective.
Vidéo HD, 16’05’’
Production : Paula Alamillo Rodriguez & Sonja Klümper / AMARD BIRD Films. Co-production : Bergen Assembly ; Freunde der Nationalgalerie / Nationalgalerie – Staatliche Museen zu Berlin ; If I Can’t Dance, I Don’t Want To Be Part Of Your Revolution
Courtesy de l’artiste et Ellen de Bruijne Projects (Amsterdam)